S : « Les Yeux dans les Yeux » est tiré d’un
scénario. Lorsque vous avez écrit le roman, avez-vous
modifiez l’histoire ou l’avez-vous suivie mot à
mot ?
JPH : Le seul vrai changement que j’ai opéré
je ne peux pas le dire, puisque tout le suspens repose dessus.
Mais toi qui l’as lu, tu dois savoir de quoi il s’agit
: le méchant du film, ce qui faisait le suspens ce n’était
pas ça du tout ! En fait, c’est le jour où
j’ai eu cette nouvelle idée que j’ai pu me
lancer dans la novélisation du scénario, sinon ce
n’aurait pas été intéressant. Je me
suis dit que le fait d’en faire un roman me permettait d’explorer
tous les personnages, parce que forcément, si je change
le cœur du film tous les personnages vont changer, leur évolution
psychologique va changer, c’est à cela qu’a
servi la novélisation. On est passé d’un scénario,
qui avait une dramaturgie efficace, qui marchait, à un
roman deux fois plus efficace, puisque dans le film il manquait
le cœur de l’histoire : Mattieu, toute l’émotion
tout ce qui se passe dans sa tête…
S : Mattieu n’était pas dans le film ?
JPH : Si mais un scénario est très plat, il y a
juste des descriptions, des dialogues… Le roman m’a
obligé de me demander : que se passe-t-il dans la tête
de Matthieu, que ressent-il ?
S : C’est pour cela que vous avez voulu en faire
un roman ?
JPH : Je ne l’ai pas voulu ! A ce moment là je travaillais
pour Atout édition, pour qui j’adaptais un polar.
Malheureusement le film ne s’est pas fait comme cela arrive
très souvent, et l’éditeur m’a demandé
pourquoi je n’essaierais pas de novéliser un de mes
scenarii ; j’ai choisi celui-ci.
S : C’était une très bonne idée
!
Est-ce que vous pensez que le fait de travailler dans le monde
du cinéma vous aide à faire «voir »
ainsi au lecteur ?
JPH : Je pense que c’est dû à moi tout simplement,
car les mots sont des images et les images sont des mots c’est
ce que je dis toujours. Ce que j’écris est très
visuel
S : Est-ce l’écriture qui vous a porté
vers le cinéma ou le cinéma qui vous a conduit à
l’écriture ?
JPH : J’écris depuis l’âge de douze ans,
puis je me suis dirigé vers le cinéma. Une rencontre
m’a ramené à la littérature 25 ans
plus tard et j’attends d’exister vraiment en tant
qu’écrivain pour publier mes autres textes…
S : Etait-ce difficile d’exprimer les sentiments
de Mattieu qui est aveugle ?
JPH : A vrai dire je ne me suis pas posé la question. Il
est vrai qu’à l’époque où l’on
préparait le film, on s’interrogeait pour savoir
si nous allions travailler avec un enfant aveugle ou avec un enfant
comédien qui allait « apprendre » à
être aveugle. J’ai eu l’occasion à cette
époque de rencontrer de jeunes aveugles, mais personne
ne peut se mettre à leur place. Avec du recul j’ai
l’impression que la raison pour laquelle le roman plaît
aux adolescents, c’est que Mattieu est un enfant comme eux,
qui se construit un monde à part, un monde à lui.
Vivant moi même souvent dans mon monde imaginaire, que Mattieu
soit aveugle ou pas cela a été très facile
de me glisser dans son personnage.
S : Les scénarii et les romans sont-ils très
différends au niveau de l’écriture ?
JPH : Oui, c’est le jour et la nuit ! Quand on fait un scénario
ce n’est pas un travail d’auteur car le scénario
est un matériel qui doit servir à des techniciens,
un metteur en scène, des comédiens, un producteur,
un décorateur… tout doit être dans un scénario
de la manière la plus claire possible et la plus légère.
Ce qu’il en reste ce n’est plus un travail littéraire,
mais un cahier des charges très précis. En amont,
il faut vraiment que l’auteur sache ce qu’il raconte.
Il faut qu’il soit très précis s’il
veut qu’il subsiste des traces de ce qu’il a imaginé.
Quand on voit le niveau assez plat de la télévision
c’est parce qu’ils vont très vite, ils n’ont
pas beaucoup d’argent, donc pas de temps, ce sont des clichés.
Ce n’est jamais très profond ni original alors qu’au
cinéma on prend le temps de savoir ce qu’on va raconter.
S : Je suppose que maintenant que vous êtes lancé,
vous allez écrire un autre roman.
JPH : Il est presque fini !
S : Est-il aussi tiré d’un scénario
?
JPH : Non, cette fois c’est un « vrai » roman.
Comme je suis chez un éditeur qui ne fait que des polars,
je me suis dit que j’allais en faire un pour le coup. Mais
c’est comme dans le thriller « les yeux dans les yeux
» ce polar est prétexte à raconter autre chose.
C’est l’histoire de Céline, une jeune femme
photographe d’évènements sportifs locaux.
Un jour, elle est envoyée en Norvège pour couvrir
le championnat du monde des majorettes. Elle débarque dans
ce lointain pays glacé où le jour ne se lève
pas. Confrontée à ses peurs, à son enfance,
à sa phobie du froid, Céline devient prisonnière
d’une histoire de serial killer qui tue les majorettes les
une après les autres. Ce sera un livre beaucoup plus dense,
plus épais avec plus de violence, mais pas trop parce que
je n’aime pas ça.
S : Comme ce deuxième roman est bientôt
achevé, je peux vous poser la question : préférez
vous écrire à partir d’une histoire déjà
existante ?
JPH : Non la page blanche ; comme l’écran blanc,
c’est ce qu’il y a de mieux.
S : Et si jamais vous étiez confronté à
: plus d’idées ?
JPH : Ce n’est pas possible ! Il faut s’y mettre tous
les jours, comme pour le sport, des fois c’est une ligne
des fois trois pages. Je travaille en musique, mais c’est
souvent lorsque je suis en train de faire autre chose que les
idées viennent.
S : Je vous remercie de m’avoir accordé
cette interview et je vous souhaite bonne continuation pour votre
prochain roman !
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